Éditeurs, libraires, écrivains : le monde du livre – français et international – sera pendu aux lèvres du Secrétaire perpétuel de l’Académie suédoise jeudi 10 octobre à 13h pour connaître le nom du prochain lauréat du prix Nobel de littérature qui succédera au Norvégien Jon Fosse.
Voici six choses à savoir sur cette récompense de prestige décernée depuis le début du siècle dernier par l’Académie suédoise et remis officiellement le 10 décembre, jour de l’anniversaire de la mort d’Alfred Nobel.
1 Prestige planétaire pour le mieux doté des prix littéraires
Dans son testament, l’inventeur Alfred Nobel a confié à l’institution suédoise la mission de récompenser “l’auteur de l’ouvrage littéraire le plus remarquable d’inspiration idéaliste”. Le prix, donné chaque année, sauf exception (principalement en temps de guerre) depuis 1901, jouit aujourd’hui d’un grand prestige et d’une résonance médiatique mondiale.
Le Nobel de littérature, c’est donc un focus rare sur l’œuvre d’un auteur. Et une dotation exceptionnelle pour un prix littéraire : 11 millions de couronnes suédoises, soit plus de 960 000 euros. Il n’a été refusé qu’une fois, en 1964, par Jean-Paul Sartre. Mais sa décision étant inédite et non prévue dans le testament Nobel, il reste donc à ce jour lauréat, sans avoir jamais touché l’argent du prix. Auparavant, en 1958, Boris Pasternak avait été, lui, contraint de refuser le prix sous la pression du gouvernement soviétique.
2 Trois cents propositions de candidatures par an
Les archives de l’Académie suédoise regorgent de courriers des plus grands noms des lettres et de l’édition attirant l’attention des académiciens pour le Prix de littérature. Chaque année, elle reçoit quelque 300 propositions écrites de candidatures émanant d’anciens lauréats, académiciens, organisations et autres professeurs du milieu littéraire et linguistique. Précision, il n’est pas possible de se proposer soi-même comme candidat. Pour être valables, les candidatures doivent être renouvelées tous les ans et parvenir avant le 31 janvier. Les candidats, eux, doivent – en principe – avoir publié dans l’année. Tous types d’auteurs sont autorisés : ils sont le plus souvent romanciers, essayistes, poètes, dramaturges, nouvellistes… Mais il y a eu aussi un auteur-compositeur-interprète – Bob Dylan en 2016 – et un homme d’État, Winston Churchill, distingué en 1953 pour ses écrits et ses discours politiques.
Un Comité Nobel restreint vérifie ensuite le critère d’éligibilité des écrivains secrètement nommés pour le prix et constitue une liste d’une quinzaine de noms, réduite ensuite à cinq. Sur celle-ci vont se prononcer les 18 membres de l’Académie suédoise.
3 Un Nobel en voie de féminisation
Le palmarès du Nobel de littérature compte 120 lauréats depuis 1901 : parmi eux, seulement 17 femmes – la première fut la Suédoise Selma Lagerlöf, en 1909. La disproportion est criante : il n’y a pas eu, par exemple, une seule femme lauréate en vingt-cinq ans, entre le Nobel donné à la poétesse suédoise Nelly Sachs en 1966 et celui attribué à la romancière sud-africaine Nadine Gordimer en 1991.
Cet écart a été considérablement corrigé ces dernières années. Depuis dix ans, quatre femmes ont obtenu le prestigieux prix : la journaliste et écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch en 2015, la romancière et essayiste polonaise Olga Tokarczuk en 2018 (prix remis en 2019), la poétesse américaine Louise Glück en 2020 et l’écrivaine et professeure de lettres française Annie Ernaux en 2022.
4 La littérature française aux avant-postes
Au palmarès par pays, la France est en tête, avec 16 lauréats, dont le premier, en 1901, fut le poète Sully Prudhomme. Viennent ensuite les États-Unis, puis le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suède. La langue de Molière est en revanche détrônée par celle de Shakespeare, avec 29 auteurs anglophones primés.
Parmi les prix Nobel français de l’histoire, on se souvient facilement d’André Gide (en 1947), de François Mauriac (en 1952) ou d’Albert Camus (en 1957), moins de Saint-John Perse (en 1960) ou Claude Simon (1985). Patrick Modiano (en 2014) et Annie Ernaux (en 2022) sont les lauréats français les plus récents.
5 Jila Mossaed, poétesse d’origine iranienne, à l’Académie suédoise
Parmi les membres de la prestigieuse Académie suédoise qui décerne le prix Nobel de littérature, Jila Mossaed est une poétesse iranienne qui a fui son pays pour la Suède à l’âge de 38 ans en 1986. Elle a intégré l’Académie en 2018. Une telle présence est gage d’ouverture de l’institution. Avec le persan, a-t-elle dit à l’AFP, “je porte en moi une riche et ancienne langue, parlée par 300 millions de personnes”. Faire découvrir “une littérature inconnue et la présenter (ici) est une contribution intéressante et importante”.
Aujourd’hui âgée de 76 ans, la poétesse, dont l’œuvre explore la vie, la mort, la politique, l’amour, l’exil et la nature, écrit autant en persan qu’en suédois.
6 Alfred Nobel lui-même poète
Alors qu’il est resté dans l’histoire comme l’inventeur de la dynamite, Alfred Nobel était féru de poésie anglaise, grand amateur de Shelley et Byron et il ne cessa de versifier, en suédois ou dans la langue de Shakespeare. Dans une lettre à un ami, il écrit : “Je n’ai pas la moindre prétention de qualifier mes vers de poésie. J’écris de temps à autre à la seule fin de soulager la dépression ou d’améliorer mon anglais.”
L’année de sa mort (1896), il écrit une tragédie scandaleuse, Némésis, sur l’exécution au XVIe siècle à Rome d’une femme ayant assassiné son beau-père incestueux. Némésis paraît, mais tous les exemplaires sont brûlés après sa mort. Sauf trois.